Travel Bellies

Chapitre 5 —

Peur panique qu'au départ de Nikkō


3 septembre 2023

Un nouveau jour, une nouvelle destination. Nous avons déja rentabilisé le pass train que nous avons acheté pour la semaine mais il faut continuer le voyage ! Alors, nous remballons les affaires et nous nous remettons en route.
A coup de trains, nous nous dirigeons vers la ville de Nikkō.

Nikkō, ville des temples savamment décorés

Un petit passage par Sendai. Un coup de Shinkansen avant de descendre à Utsunomiya. (Pas le temps de prendre des gyozas.) Ensuite, nous prenons encore le train pour arriver à la gare de Nikkō, à ne pas confondre avec la gare Tōbu-nikkō, 250m plus haut.
Comme c'est curieux de placer deux gares si proches l'une de l'autre ; mais ça pourrait avoir son importance plus tard …

Nous arrivons dans la soirée. Une fine pluie nous accueille et nous prenons une grande bouffée d'air. L'atmosphère est fraîche et bien que nous empruntions les parapluies de l'hôtel pour ressortir trouver de quoi dîner, cette pluie est plus que bienvenue.

Quand on se reconnaît dans les néons

Le lendemain, nous prévoyons d'être à la gare en fin de matinée. Le train de 11:15 amène deux passagers très attendus : Johann et Delphine nous rejoignent ! Ils sont venus passer 3 semaines en vacance au Japon et nous avons le privilège de passer les derniers jours de leur séjour ensemble.

Premier point de passage : notre appart hôtel plus que spacieux pour déposer nos affaires. Ensuite, nous déjeunons rapidement d'un délicieux omurice (une omelette baveuse sur du riz, spécialité japonaise) et visons le prochain bus jusqu'au lac Chūzen-ji. Le café dans lequel nous nous arrêtons pour conclure le repas est tenu par une petite vieille. D'une politesse exquise et d'une lenteur rarement égalée, elle nous fait rater le bus que nous avions en ligne de mire. Comment lui en vouloir ; debout elle était déja penchée à 90°, et en s'inclinant pour nous remercier de notre patronnage elle avait à peu près la tête dans les genous. Sans rancœur, nous prenons le bus suivant.

Le bus monte vers le lac en suivant une route en lacet qui nous rappelle celle qu'il faut prendre pour aller au Machu Picchu. La différence est que le Japon a pris le temps de construire deux routes : une qui monte et une qui descend. Ça diminue sûrement les risques d'accident.
Au lac, nous faisons un premier tour vers la cascade. Ensuite nous longeons la rive en direction d'un temple local, au nom éponyme. En chemin, nous passons à côté des résidences d'été des ambassades occidentales. Qui n'a jamais rêvé d'un petit coin de France avec vue sur un lac japonais ?

Il est sympa ce temple mais personne ne nous parle autre chose que japonais, toutes les explications sont perdues à tout jamais.

Si vous arrivez à soutenir le regard sévère de ce dragon, vous aurez le droit de vous laver les mains

Après une pause goûter, nous longeons le lac dans l'autre sens jusqu'au temple qui est de l'autre côté (par rapport à la ville, pas par rapport à la taille du lac). Dommage que nous restions si peu de temps ici, il y a une grande randonnée qui commence au pied de ce temple et nous croisons les sportifs qui ont décidé de s'attaquer à ce sommet, revenant de leur périple. Ils sont équipés avec plein de gadgets. On sent que les Japonais prennent la randonnée très au sérieux. Mais en même temps, on les voit crouler sous les équipements et les couches de vêtements au beau milieu de l'été.
Peut-être qu'ils prennent la randonnée trop au sérieux ?

De retour à Nikkō, nous cherchons un point de chute pour le dîner. Nous sommes dimanche soir, et comme la veille, nous avons du mal à trouver quelque chose d'ouvert. Bien que nous soyons dans une ville touristique, il semble que les Japonais dînent vraiment tôt et se couchent de bonne heure.


Le jour suivant, réveil sous la pluie. Il pleut des cordes et nous nous préparons à passer la journée dehors, à visiter les temples de la zone.

Il y a 42 bâtiments dans cette zone qui ont été déclarés patrimoine de l'humanité par l'Unesco et les plus anciens d'entre eux ont été construit au XIIIème siècle. Finalement, une acalmie pointe le bout de son nez et notre épopée reprend de plus belle.
Nous rejoignons rapidement la zone des temples à pied, et nous nous préparons à devoir choisir lesquels seront grâciés de notre auguste présence et lesquels devront se passer de nous et de nos yens.

C'est la fête à la grenouille

La visite commence par un musée qui abrite des trésors de l'art japonais. On ne l'invente pas, c'est le nom du musée : maison du trésor. Juste à côté, nous visitons son petit jardin absolument charmant et recouvert de mousse.

Puis on emboîte le pas aux autres groupes de touristes qui errent sur le site : le temple Rinnō-ji, la pagode à 5 étages et le temple Tōshō-gū avec ses portes ornées renversantes. C'est ici qu'on peut trouver un bas-relief qui est passé dans la culture populaire. Le terrible shogun Tokugawa Ieyasu, qui a instauré l'ère Edo, repose dans un mausolée de ce temple et en fait un site majeur.

Jusqu'ici nous avons été épargnés par la pluie mais elle reprend de plus belle. Nous sortons nos k-way et autres impers.

Reconnaissez-vous ces trois singes ?

Une pause déjeuner nous fait espérer que nous allons pouvoir attendre l'acalmie suivante mais elle ne vient pas. Alors nous nous rhabillons et continuons notre route des temples en visitant le temple Tayu-in qui date du XVIIème siècle et qui abrite le mausolée du shogun Tokugawa Iemitsu. (En résumé : petit fils de Ieyasu, également terrible, anti-Européen, a laissé des estampes choupi/chelou.)

Toute la zone est agrémentée de lanternes décoratives offertes par d'éminents membres de la société. Selon leur degré de proximité avec le shogun et leur rang, leur lanterne a le droit d'être faite dans un matériau plus noble que d'autres et d'être positionnée plus sur les hauteurs et plus proches du temple principal.

Ces sites, même sous la pluie, nous donnent une sentiment de calme. La verdure qui se mêle à la mousse et le lichen des pierres nous peignent une image onirique du Japon. Nous sommes dans un tableau d'une nature bien vivante et malgré l'absence de soleil, tout est beau et picturesque.

Nous nous arrachons aux temples avec regret : il est déjà temps de repartir. Un train nous attend pour Tōkyō, étape suivante de nos aventures à quatre. Et surtout, nous avons une réservation pour un musée ce soir, alors mieux vaut ne pas le rater. La pluie ne s'est toujours pas arrêtée mais nous rejoignons sans encombre nos sacs et la gare. Nous avons un peu d'avance, peut-être suffisant pour se sécher ?

Quelques dizaines de minutes plus tard, à traîner dans la gare, nous apercevons un employé qui place discrètement une pancarte juste avant l'accès aux quais : le prochain train (celui que nous souhaitons prendre) est annulé à cause de la pluie. Le suivant part dans une heure.
Nous avons pris de la marge, nous pouvons attendre.

Puis c'est le train suivant qui est retardé. Une première fois. Puis une deuxième fois.

Notre marge se réduit doucement mais sûrement. Peut-être qu'il faut commencer à réfléchir à d'autres options. Le taxi ? C'est trop cher. Il y a des bus peut-être ? Mais si cette pluie empêche les trains de circuler, c'est sûr que les bus ne roulent pas. On abandonne tout et on reste à Nikkō une nuit de plus ? C'est sûr qu'on ne pourra rien se faire rembourser ou alors il faudrait faire toutes les démarches en japonais. Ce n'est pas une option envisageable.
Mais au fait, on n'a pas vu une autre gare 250m plus haut ? Est-ce que les trains de cette gare circulent encore ? Quand même ce serait bizarre, mais ça ne coûte pas grand-chose d'aller vérifier.

C'est l'occasion parfaite pour faire une petite intervention sur le système ferroviaire au Japon. Contrairement à la France, les lignes de train sont privées et se divisent entre plusieurs compagnies. Il n'y a qu'à voir le réseau de métro à Tōkyō : c'est un vrai casse-tête.

Illustration du casse-tête

Le conglomérat principal, qui est présent dans toutes les régions du Japon et qui opère les Shinkansen, c'est la Japan Railway (JR). Ce sont eux qui commercialisent les JR pass, réservés aux touristes et qui permettent de parcourir, de façon illimitée, presque toutes les lignes de cette compagnie.

Ce qui fait que pour nous, pauvres touristes, nous limitons nos trajets à la compagnie JR. Mais en vérité, il y a d'autres options : des lignes plutôt régionales ou des équivalents de RER dans certaines agglomérations sont aussi accessibles, si on paye le tarif normal.

En quelques minutes sous une pluie battante nous sommes à la gare de Tobu-nikko, desservie par les trains de la compagnie Tobu, et non pas à la gare de Nikkō, qui est donc desservie par la JR (East).
Et quelle chance pour nous, chez Tobu, on n'a pas peur de la pluie et les trains circulent encore. D'ailleurs il reste des places. Pendant qu'elle fait la queue au comptoir, le téléphone de Daphné sonne, à l'unisson avec tous les téléphones du coin. C'est l'heure de l'alerte des autorités locales. Depuis notre séjour américain, nous avons pris l'habitude, nous ne sommes même plus surpris. À la différence quand même que ce message est entièrement en japonais.

Chacun aura su lire qu'il y a des risques de glissement de terrain

Bien essayé la météo, mais il en faut plus pour nous faire peur. Aller hop, tout le monde dans le Tobu, dans deux heures nous serons à Tōkyō, sains, saufs et secs et peut-être même à l'heure.