Chapitre 8 —
Memento Kanchanaburi
30 décembre 2023
Nous nous mélangeons à la foule des locaux pour rejoindre Kanchanaburi depuis Ayutthaya en passant par Supan Buri. Nous commençons avec un mini-van qui nous dépose au terminal de bus, juste au pied de notre prochain carrosse. Nous sautons dedans pour nous retrouver ensuite à Kanchanaburi, la grande ville de la province Kanchanaburi, à l'ouest de Bangkok.
Fini les ruines vieilles de plusieurs siècles. Ici l'histoire est plus récente et remonte à la seconde guerre mondiale. Ce sont les Japonais qui ont écrit les pages terribles de l'histoire de cette province en faisant venir des milliers de prisonniers de guerre pour construire une ligne de chemin de fer entre la Thaïlande et la Birmanie.
À l'époque, la stratégie était de couper sur 415km, à travers la jungle et le relief montagneux, pour permettre un meilleur approvisionnement de la Birmanie, sans avoir à passer par le détroit de Malacca. Cela allait servir à assister les aspirations colonialistes du Japon sur l'Asie du Sud-Est et, éventuellement, leur ouvrir les portes de l'Inde.
La main d'œuvre était toute trouvée dans les (environ) 60 000 soldats faits prisonniers sur le front du Pacifique. Il a fallu aussi recruter les ¾ suivants dans la population locale.
Inutile de préciser que les pertes humaines furent tristement colossales, entre les maladies tropicales, le mauvais traitement infligé aux prisonniers ou encore les bombardements alliés. Le projet est quand même parvenu à bout, gagnant au passage le sobriquet de ligne de chemin de fer de la mort.
Il y a désormais, au milieu de la ville, un cimetière des prisonniers de la seconde guerre mondiale et un musée qui retrace toute cette partie de l'Histoire. Le musée a été monté par un Australien très concerné par le sort des prisonniers qui a passé plusieurs années à essayer de retrouver les traces de cette entreprise.
Il est légitime de se demander si le musée ne présente pas une vision trop occidentalisée de cette époque. La différence entre la main d'œuvre locale et les prisonniers, c'est que les Japonais, ayant scrupuleusement respecté les conventions administratives de la guerre, ont établi beaucoup d'archives. En revanche, le code du travail local ne semblait pas être très exigeant donc peu d'informations sont arrivées jusqu'à nous.
C'est sur ces considérations du genre à plomber l'ambiance que nous sortons du musée qui porte le doux nom de “Death Railway Museum and Research center”. La fin de journée approchant, nous marchons les 3km qui nous séparent du fameux pont sur la rivière Kwaï.
Ici, tous les touristes se sont donné rendez-vous pour l'arpenter d'une rive à l'autre. Les touristes qui ne sont pas sur le pont sont sous le pont à faire du stand-up paddle.
Le pont a donc été construit une première fois, puis détruit et à nouveau reconstruit à l'aide du financement japonais après la guerre (cette fois, plus de main d'œuvre à pas cher) au titre de dédommagement.
Une fois arrivés de l'autre côté du pont, nous entendons au loin le bruit d'un sifflet de train. L'espacement entre les coups de sifflet se rapprochent, et finalement, le phare de la locomotive apparait au bout de la ligne. Tout le monde va se poster le long du pont, dans les petits renfoncements situés de part et d'autre. Ils sont bien sûr là pour que les touristes qui sont à pied sur le pont puissent prendre des photos des touristes qui sont dans le train.
Le train passe à vitesse très réduite sur le pont et tout le monde y va de sa photo, à bord comme sur les rails.
Réveil un peu matinal le lendemain pour s'embarquer dans un bus en direction du parc national d'Erawan, à 70km de la ville. La réputation du parc est due à un magnifique enchaînement de cascades et de bassins qui s'étend sur 1500m.
Nous sommes déposés sur le parking, à côté d'une rangée de petits restaurants. C'est ici que nous prendrons notre petit déjeuner.
Ensuite, nous enchaînons avec une marche dynamique le long de la cascade jusqu'à son sommet.
Au passage, nous passons devant tous les bassins où les baigneurs commencent à s'installer.
Petit détail : nous n'avons pas le droit de nous baigner sans gilet de sauvetage.
Il faut le louer au pied des cascades et se le trimballer tout le long de notre montée.
Heureusement que ce n'est pas lourd.
Arrivés en haut, nous sortons les maillots de bain et nous allons nous tremper dans l'eau fraîche et poissonneuse de Phu Pha Erawan. Ces poissons sont loin d'être un détail : ils sont particulièrement friands de peaux mortes. Et quoi de plus appétissant que d'innocents orteils qui pensent se détendre après une rude ascension ? C'est séance de fish pédicure dans tous les bassins de la cascade. Heureusement, les poissons les plus gros, probablement capables de gober un pied entier, ne semblent pas intéressés.
Ça chatouille quand même pas mal.