S'il y a une boisson qui mérite le titre de « boisson nationale » en Argentine, c'est bien le maté. Plus spécifiquement, le Yerba Maté.
D'ailleurs une loi a été passée en Argentine pour affirmer ce statut. Depuis le 3 juillet 2013, le maté a le statut d'infusion nationale. Et tous les 30 novembre, c'est le jour national du maté.
Elle est à peine discrète, on la voit partout. Elle est sirotée ici et là, elle a son rayon au supermarché, chacun se balade avec son thermos, il y a des distributeurs d'eau chaude là où on trouverait des machines à café …

Toutes les générations et toutes les catégories socioprofessionnelles confondues ont leur matériel à maté : le thermos d'eau chaude (70–80 degrés serait la température idéale), le sachet de maté (ou la boîte), le gobelet à maté et la paille à maté. Tout ça dans le sac ou panier à maté (ou juste sous le bras selon votre budget).

C'est une boisson sociale. Il n'est pas rare de se pointer à une soirée, un événement avec son maté sous le bras. Avant la Covid aussi, c'était commun de partager un verre à plusieurs. On boit le verre, on le finit, on remet de l'eau et on le passe à son voisin.

La cuisine de notre logement à Ushuaïa était équipée d'une paille à maté (la bombilla), d'un sachet de maté et d'une bouilloire sur laquelle on pouvait sélectionner spécifiquement la température de l'eau pour le maté.
Après une première tentative de préparation maison, nous profitons d'une initiation proposée par une boutique touristique spécialisée dans le maté. Ils vendent tous les accessoires imaginables pour accompagner les buveurs : différentes gammes de paille, des sacs de toutes les tailles et les couleurs avec un emplacement spécifique pour le thermos, des tasses en veux-tu en voilà etc

Le maté est issu d'une plante qui vient des forêts du Paraguay mais qui est aussi cultivée dans le nord de l'Argentine et le sud du Brésil.
C'étaient des indigènes qui en mâchaient la feuille ou en buvaient à froid ; et les colons espagnols leur trouvaient une vitalité exceptionnelle. Ils ont donc récupéré et adapté la boisson pour en faire le yerba maté.

Le maté est composé des feuilles séchées de la plante et réduites en petits morceaux. La composition contient en général trois parties : la feuille, la branche et la poudre issue du broyage. Selon la qualité du maté, on retrouve différentes proportions de ces trois éléments. On peut y rajouter des fruits, faire sécher les feuilles dans des fumoirs qui leur donneront du caractère. Comme pour le thé, on peut imaginer plein de dérivés.

Le procédé de préparation est le suivant : on remplit son verre à plus de la moitié de maté. Ensuite, on couvre le verre avec la paume de sa main et on secoue pour homogénéiser. Toujours en couvrant avec sa main, on incline alors son verre pour créer une pente à 45° qu'on appelle la montagne. Si la montagne s'écroule trop facilement, c'est que le maté n'est pas de bonne qualité. On glisse sa paille le long du bord jusqu'au bas de la montagne et on verse son eau jusqu'à environ la moitié.

Ensuite par petites aspirations, on boit le breuvage. Dès qu'on sent qu'on arrive au bout de notre verre, on remet de l'eau jusqu'à la moitié. Et ainsi de suite jusqu'à ce que la montagne se tasse complètement. L'enjeu est de trouver l'équilibre entre la montagne et la mer. C'est beau la poésie argentine.

Maintenant la vraie question : comment ça goûte ?
Le premier goût qu'on a identifié, au-delà de l'amertume, c'est un petit goût de tamarin. Très vite l'amertume tapisse toute la bouche et les premières gorgées sont assez désagréables. Notre instructeur du jour nous rassure, même ceux qui en boivent depuis leur tendre enfance, ne s'habituent pas à la puissance des premières gorgées. Au fur et à mesure du remplissage de notre verre, l'amertume s'atténue et nous atteignons ensuite un gentil goût de thé vert.

Notre session de dégustation était en soirée et on nous a assuré que la matéine (sûrement un autre nom de la caféine dans ce coin) ne nous empêcherait pas de dormir le soir. Bon, c'était pas tout à fait vrai, le sommeil fût difficile ; et le bide un peu en vrac.

Était-ce le maté ? Ou l'excitation des aventures qui nous attendaient le lendemain ?

L'histoire ne le dit pas mais nous nous sommes couchés un peu moins bêtes.