Chapitre 3 —
Rotorua
7 octobre 2023
Avant d'atteindre Rotorua, nous faisons un détour jusqu'à la cascade Wairere. Le parcours de 45 minutes nous fait traverser ce qui nous semble être une forêt tropicale. C'est curieux car juste avant, nous avions traversé des pâturages parsemés de moutons. Le changement d'ambiance est radical.
Le parcours est sympatique et nous ferait presque penser à un paysage japonais tellement il y a de la mousse sur chaque surface rocheuse disponible. Il y a des grands pans de roches sur lesquelles coulent des rideaux d'eau, annonciateurs de la cascade qui se cache plus haut dans la forêt.
Nous apercevons aussi que certains néo-zélandais sont adeptes d'une pratique peu commune : la randonnée pied nu. Que ce soit parce qu'on souhaite ne faire qu'un avec la nature ou parce qu'on s'est lancé dans une randonnée en crocs et que ce n'est pas efficace pour parcourir les sentiers boueux.
Nous arrivons à Rotorua, sur les bords du lac éponyme. Voici une ville qui sent bon le souffre. Si on est passionné de géologie et d'autres contes volcaniques, c'est bien ici qu'il faut venir.
C'est dans la vallée de Waimangu que nous nous aventurons, pour mieux découvrir le coin. Il s'agit d'un parc national dont l'entrée est payante et qui nous permet de nous balader le long d'une vallée volcanique qui nous mènera jusqu'au lac Rotomahana. Ce qui est unique ici c'est qu'on est capable de dater précisément le début de l'activité volcanique de cette zone : le 10 juin 1886. Ce jour là, il y a eu une violente éruption volcanique qui a remodelé le paysage, tué à peu près toute forme de vie dans la région, et depuis constitué un attrait touristique majeur.
Depuis, on est capable de voir l'évolution de ce paysage au rythme des éruptions. Par exemple, l'éruption de Frying Pan Flat du 1er Avril 1917 (et ce n'est pas une blague) a fait disparaître certaines sources, fontaines et cratères pour en former d'autres. Ou encore le Geyser de Waimangu qui était actif en 1900–1904 et qui pouvait atteindre jusqu'à 400m de haut, envoyant dans les airs du sable noir, de la boue et des cailloux.
Nous commençons la randonnée sous la pluie et traversons le début de la forêt qui a donc moins de 150 ans. C'est suffisament inhabituel comme âge de forêt pour être souligné. Le billet d'entrée du parc vient avec une brochure qui décrit la trentaine de points d'intérêt parsemés le long du parcours.
Au programme : beaucoup de cratères bouillonnants, de rivières qui se vaporisent, de rochers fumants et des sources qui bullent.
Un des cratères remarquables est inferno crater lake. Il s'agit d'un lac formé par un cycle particulier de remplissage et de drainage de l'eau. Lorsque le lac est rempli à son maximum, il déborde vers la rivière qui coule en contre-bas, et ce, pendant 2–3 jours. Ensuite le lac redescend à son volume minimal et se remplit à nouveau sur les 3–4 semaines qui vont suivre, via le geyser qui est dans son fond et donc imperceptible.
Au fur et à mesure que nous nous rapprochons du grand lac, le paysage change de façon presque imperceptible. Les bosquets laissent place aux fougères, les fougères s'inclinent devant les herbes marécageuses et les canards font leur apparition. Ils barbotent joyeusement dans ce qui doit leur sembler être un jacuzzi géant.
Nous terminons notre journée à regarder le lac qui s'étend vers l'horizon gris, en travaillant nos compétences de bird watching.
Lorsque nous quittons Rotorua, nous prenons la direction du lac Taupō ; lac notoirement si grand qu'on pourrait y mettre Singapour tout entier. Il est sur notre chemin et nous permet d'effectuer une pause en bateau. On aurait aussi pu louer un kayak mais il fait carrément trop froid pour ça.
On nous fait faire un petit tour de la baie Tapuaehauru puis direction la baie des mines et ses gravures māori ; en particulier celle du prêtre légendaire Ngātoro-i-rangi de 14m de haut. C'est ici qu'un sculpteur néo-zélandais d'ascendance māori et quelques copains sont venus se dégourdir les phalanges dans les années 70. Initialement, la grand-mère du sculpteur lui avait demandé d'aller tailler un arbre totara à l'image de son ancêtre. Mais il n'en a pas trouvé alors il s'est rabattu sur ce qu'il avait de mieux : une immense paroi rocheuse.
L'histoire dit qu'il a demandé l'autorisation du voisinage et que la moitié des résidents aurait refusé. Quelles conclusions en tirer ? Visiblement qu'on peut dépasser les préjugés une fois qu'on bénéficie des retombées touristiques.
Nous avons joué le rôle de touristes en prenant plein de photos sous tous les angles puisque c'est ce qui est attendu de nous. Mais toujours avec beaucoup de respect pour l'ancêtre de plus de 800 ans.