Chapitre 5 —
Kampot
20 janvier 2024
Kampot est peut-être un nom qui vous parle. Cette ville est mondialement réputée pour son poivre. Elle est aussi connue localement pour ses durians et sa sauce de poisson. Donc la première chose qu'on remarque en arrivant est le gros rond-point coiffé d'une statue de durian, le roi des fruits.

La ville a beau être la capitale de sa province, le centre-ville n'est pas grand. Nous le parcourons plusieurs fois à pied, souvent à la recherche de quelque chose à se mettre dans le ventre. Il y a plusieurs rues bordées de maisons à l'architecture coloniale. Nous entendrons un restaurateur français se plaindre de la qualité des bâtiments et raconter qu'il a passé un an à rénover son restaurant en renforçant toute la structure avec des pylônes en béton.

Autour de Kampot, il est possible d'aller visiter plusieurs lieux d'intérêt. Nous allons nous promener d'abord vers le mont Bokor et le parc national qui l'entoure. Nous faisons cette excursion en ayant recours à un tuk tuk local et comme nous sommes trois à l'arrière, il a beaucoup de mal à monter la longue côte inévitable pour aller en haut de cette montagne.
Au sommet, il y a la station d'altitude de Bokor : un village construit par les Français pour que les colons des années 1920 puissent se reposer au frais. Avec la guerre d'Indochine, les lieux ont été désertés par leurs premiers occupants et au fil des conflits suivants réinvestis, et ré-abandonnés.
Dernièrement, il semble que ce sont des investisseurs chinois qui tentent de faire sortir quelque chose de terre. C'est complètement lunaire de traverser cette ville : on voit des développements d'infrastructures en cours mais qui paraissent partiellement abandonnés.
En arrivant à ce qui doit être l'entrée de la ville, on traverse un rond-point huit fois trop grand pour le trafic (soit environ cinq scooters par demi-heure). Il y a un grand hôtel-casino au milieu de rien. À l'embranchement suivant, on se retrouve à suivre une grande façade de boutiques/maisons. Il paraîtrait que ce soient des vestiges français qui sont en cours de réhabilitation. Mais en vérité, on ne sait pas ce que c'est car tout est vide.


De l'autre côté de la route, il y a un grand hangar qui est en cours de démontage. Notre chauffeur qui s'improvise aussi guide nous explique que c'était un cinéma. Difficile à croire. On se demande si ce n'était pas un parc des expositions ou une grande salle polyvalente. Mais notre hypothèse, la plus probable donc, est un hangar à zeppelins militaires pour préparer une reconquête du Vietnam.

En haut de cette ville fantôme, il y a un temple et une vue imprenable sur la vallée, quand les nuages ne sont pas de la partie. Toute cette ambiance jungle+vue+nuages nous rappelle le Machu Picchu et notre terrible ascension de la montaña picchu. Étant au-dessus de la canopée, nous pouvons entendre clairement les hululements des singes gibbons à bonnet.


La visite se poursuit vers l'église abandonnée. Elle se dresse en face d'un lac que notre guide appelle le “secret lake”, barrage artificiel des Khmers rouges sous lequel étaient directement enterrés les esclaves surmenés. L'ambiance règne.
Dernier point de passage dans notre village fantôme : un hôtel-casino au milieu de rien, des années 70, qui ne fait plus qu'hôtel pour quelques centaines de dollars par nuit. Même si le jardin et la vue sont agréables, il faudrait une bonne raison pour venir y séjourner.


Après cette visite déconcertante, nous portons notre attention sur ce qu'il y a de l'autre côté de la ville. Il s'agit des plantations de poivre et de la ville de Kep, ville balnéaire du coin connue pour son marché aux crabes, un grand marché de fruits de mer et de poissons. On peut aussi faire un tour dans les marais salants du coin et la mangrove qui borde les côtes.
Tout cela se mérite : la route goudronnée laisse place à un long chemin de terre rouge parsemé de nids de poules. De quoi ajouter une couche à notre bronzage sur les parties de notre corps qui n'étaient pas protégées.


Pas besoin d'autobronzant


Spécialité du coin : le crabe aux pattes bleues
Le clou de cette étape : les plantations de poivre. En l'occurrence La Plantation, le nom de la ferme cofondée par un couple franco-belge il y a 10 ans. Ils ont planté 22 000 pieds de poivre et ont beaucoup investi dans des actions sociales et locales pour accompagner le développement des villages alentours. Et le fait d'être ouvert à la clientèle francophone est clairement un atout judicieusement bien exploité : nous avons rarement vu un tel taux de francophonie en dehors de notre chère patrie.


Bébé poivrier deviendra grand
Voici les points clés que nous avons retenus de notre visite. Le poivre pousse sur une liane. Ici, ils les laissent pousser jusqu'à 3–4m environ et la récolte se fait à la main. On cueille le poivre lorsqu'il est vert et on le fait sécher. Il devient alors noir. Le poivre gris, c'est en fait le poivre noir moulu avec son cœur clair.
Pour ce qui est du poivre rouge : il s'agit d'un grain de poivre vert qui a mûri différemment. Il est rare et cueilli à la main. Mais enfin le poivre blanc, c'est ce poivre rouge dont on aura ôté la coquille externe. C'est donc cet ultime produit qui est le plus cher, et il y a en tout quatre couleurs de poivre.



Comme cette plantation a des liens forts avec la France, ils ont reçu plusieurs labels de qualité comme l'IGP ou producteur artisan de qualité (du collège culinaire de France). Enfin, un conseil pour être sûr qu'on ne vous ment pas si vous achetez du poivre de Kampot : les fermiers fixent un prix de seuil minimum. Si vous payez moins de $35/kg, c'est que vous êtes face à un poivre qui ne vient pas de la région ou qui ne respecte pas les conditions pour avoir l'appellation.
Évidemment, maintenant que nous avons fait la dégustation des poivres de la ferme ainsi que de leurs recettes d'épices, nous devons respecter les préconisations des professionnels.
À commencer par la fin de l'utilisation du poivre en poudre.
Le poivre en poudre n'est pas aussi frais que lorsqu'on le moud soi-même, cela va de soi.
Et si on veut pousser l'exercice à son paroxysme, il faut moudre le poivre dans un mortier plutôt que dans un vulgaire moulin.
Heureusement, nous ne sommes pas d'éminents professionnels de la cuisine.
Nous n'appliquerons pas tous ces conseils, aussi sages soient-ils.
Ultime activité à Kampot : un cours de cuisine, ça faisait longtemps ! Quoi de mieux pour mettre en pratique les conseils qu'on vient de nous partager.
Il nous est laissé la liberté de choisir chacun une entrée, un plat. Le dessert est en pratique en commun mais comme nous sommes cinq élèves, nous avons le droit de faire les deux desserts proposés.


Promis, c'était chouette
Malgré la bonne volonté de notre instructrice, c'est compliqué d'enseigner plusieurs plats à la fois, même aux élèves les plus attentifs. Notre cours est un peu dispersé, mais heureusement, la bonne ambiance est au rendez-vous. Nous n'aurons pas la possibilité de repartir avec des fiches recettes à la fin. Il faudra se contenter de ces photos pour conclure cette aventure cambodgienne.