Chapitre 1 —
Penang
30 novembre 2023
Après notre traversée accélérée de l'île de Java, nous nous envolons vers la péninsule de Malacca.
Notre première étape est particulière : atterrissage à Penang, île malaisienne dans la Mer d'Andaman d'où vient une partie de la famille de Daphné. Une fois de plus, elle joue la guide touristique pour John ; avec l'aide, cette fois, de ses uncles & aunties. La réputation de Penang est donc très grande chez nous, et nous ne ratons pas une occasion de comparer l'offre en street food de chaque pays avec celle de ce territoire notoirement abondant en choix culinaires. Pour arriver prêts à découvrir ce marché géant, un peu d'histoire. (Pas trop, juste assez pour expliquer la diversité culinaire.)
Penang était originellement malaise, jusqu'à ce que les Britanniques en prennent le contrôle en 1786 contre paiements annuels au sultanat de Kedah. (Le gouvernement de Malaisie continue de réaliser, semi-symboliquement, ces paiements annuels jusqu'à aujourd'hui.) Le développement des mines d'étain et d'un port franc dans la nouvelle ville de George Town a fait fleurir le commerce et venir des populations très distinctes.
Ces immigrés étaient en majorité d'origine chinoise, parlant hokkien, teo chew, cantonais ; mais aussi d'origine indienne, principalement tamil mais aussi telugu, malayali et punjabi. On ressent également des influences Thaï, par proximité et échanges commerciaux. Enfin, les Malais restent nombreux, avec des fortes migrations internes depuis les autres états de Malaisie.
Tout ce beau monde a transmis ses traditions, sans oublier de se mélanger et de s'influencer, créant ainsi de nouvelles communautés comme les Peranakan, nom donné aux métis chinois-malais. Voilà le vrai melting pot !
Résultat : des stands de street food ultra-variés à toute heure du jour et de la nuit, souvent organisés en food courts, jamais loin quand on en cherche. Le détail qui complète le tableau, c'est que la plupart des plats sont très peu chers.
Pour rire, les Pénangites traitent d'oiseaux les visiteurs plus fortunés venant de Singap' … apparemment, ils se baladent en criant “cheaaap cheaaap” à tue-tête. Mais c'est dur de résister quand on voit les prix !
Attention, le programme est chargé, il faut commencer par les plats phares dont Daphné se prive depuis des années. À peine sortis de l'aéroport, Uncle Loong nous conduit vers un food court et commande un bon char kway teow ; c'est comme ça qu'on dit bonjour ici. Ces larges nouilles grillées au wok sont accompagnées d'un assortiment de crevettes et de coques ainsi que de quelques légumes, pour dire.
Un peu plus tard, tout le monde remonte en selle et nous allons dans un autre food court, cette fois-ci on commence par une fameuse soupe de nouilles relevée et au goût de crevettes, nommée hokkien prawn mee (servie par une roulotte listée dans le Bib Gourmand quand même).
Mais l'action débute vraiment avec le plat principal : un bouillon infusant pendant des heures des herbes délicieuses, du « caramel de cuisine » et des os de porc : le bak kut teh, servi dans son pot d'argile avec tout un assortiment de coupes de viande, de champignons, de thé et des beignets à trempotter. Daphné en avait parlé à John depuis des années, allant jusqu'à l'emmener voir un très beau film autour de ce plat ; malgré tout c'était encore meilleur que prévu.
Le matin, auntie fait honneur à la Malaisie en nous rapportant du nasi lemak servi dans une feuille de banane avec des bons anchois pour démarrer la journée au top. On trouve aussi souvent des plats secs ou en sauce utilisant les nouilles cousines des kway teow (comme leur nom l'indique si on parle hokkien et cantonais), les hor fun, dont nous goûterons une version dès le lendemain.
Pour se donner faim entre deux découvertes culinaires, nous visitons un temple bouddhiste Thaï, un autre Birman et enfin l'immense complexe de Kek Lok Si au pied de Penang Hill. D'ailleurs, pour faire plaisir au petit nouveau, nous nous payons les files d'attente du vertigineux funiculaire de Penang Hill pour bien apprécier la vue sur George Town suivi du pont se tortillant jusqu'à Butterworth sur la côte d'en face.
Pour combler un manque des précédentes visites de Daphné, nous découvrirons la culture Chinoise de Penang via la visite de la maison bleue du magnat Cheong Fatt Tze ; au programme, l'importance du Feng Shui et de sa septième femme.
Il reste encore plusieurs heures à tuer avant de retourner manger, c'est l'occasion de se balader dans la zone UNESCO de George Town, avec ses rues pleines de maisons coloniales et les différentes religions qui se côtoient paisiblement. Nous finissons au musée Wonderfood plein d'imitations en plastique de toutes les spécialités locales … un peu kitsch et avec des pédagogies datées par moments, mais plein d'inspiration pour les repas à venir !
Uncle Watson nous accompagne au nord-est de l'île : c'est aujourd'hui qu'a lieu la fameuse course de bateau-dragon à laquelle il a souvent participé dans sa jeunesse. On parie que vous ne connaissiez pas. Pourtant, de nombreux pays sont venus au barrage de Telok Bahang pour participer. Il y a même une compétition supplémentaire avec deux équipes, face à face sur le même bateau-dragon, façon tir à la corde.
Nous en profitons pour nous éloigner un peu du barrage et aller visiter rapidement l'ancienne petite ferme à papillons, qui a maintenant éclos en grand parc d'entomologie : Entopia. Il y a plein de sections, avec bien sûr l'immense serre aux papillons, mais aussi les scarabées, les phasmes, les centipèdes, les araignées, les grenouilles ; même les vers de terre ont leur heure de gloire. C'est formidable et super bien organisé, heureusement qu'on ne nous y a pas emmené enfants ou nous aurions assurément voulu y dédier nos carrières.
Quelle île pleine de vie, il faudrait y rester plus longtemps !