Travel Bellies

Chapitre 8 —

Pisco fever


5 juin 2023

Nous continuons notre route vers le nord du Chili. Parcourir 1200km en bus reviendrait à un trajet d'environ 22h. Nous préférons faire une escale.
En faisant quelques recherches, nous jetons notre dévolu sur la vallée de l'Elqui, connue pour sa production de pisco. Les cartes postales annoncent un fond de vallée verdoyant de vignes entouré de collines arides à la teinte dramatique.

Notre bus de nuit nous dépose à 5:30 à La Serena. Nous sommes un peu dans le brouillard. Nous faisons un petit tour des agences et trouvons celle avec un départ à 6:30 vers le village Pisco Elqui. Il s'agit d'un minibus surtout fréquenté par les locaux.
Deux heures plus tard, après avoir traversé la vallée au lever du soleil, nous arrivons à Pisco Elqui.

C'est pas la saison des cartes postales, mais c'est tout aussi beau

La petite église de la place principale nous accueille. À moins de 100m de là, nous toquons à la porte de notre auberge.

Pause végètement obligée avant les 100m

Heureusement pour nous, l'auberge est presque vide, nous avons un dortoir de 8 à nous seuls. À 10:00, nous nous couchons pour terminer notre nuit. Décidément, ce trajet nous a fatigués.

Au réveil, nous prenons un déjeuner sommaire. Le soleil a atteint le creux de la vallée et il nous réchauffe gentiment.
C'est l'occasion d'utiliser la fonctionnalité première de nos pantashorts : se déjamber et se retrouver en short.

En fin d'après-midi direction la distillerie Doña Josefa qui fait des visites gratuites.
Nous sommes accueillis par un verre de Pisco Sour, le cocktail national du Chili (dont la paternité est disputée par le Pérou).

¡Salud!

Puis Pablo, coiffé d'un magnifique chapeau, nous amène voir les cuves de macération, ensuite l'alambique en cuivre et la partie de la mise en bouteille. Il prend le temps de vérifier que notre bafouillant espagnol ne nous empêche pas de saisir la différence importante entre l'alcool cabeza, celui de corazon et celui de cola. Il ne faudrait pas que nous ayons la mauvaise idée de boire l'alcool frelaté qui peut nous rendre aveugles ! (Ou morts.)

Et que serait une visite de distillerie sans une dégustation ?
Nous nous retrouvons au bar de la distillerie. Notre cowboy sort ses bouteilles. Il nous explique les différences, nous demande celles que nous préférons et nous montre les gestes à avoir pour bien saisir tous les arômes de nos boissons.

Petite leçon de dégustation donc :

C'est formidable, ça permet de distinguer complètement les goûts des arômes.

À défaut de sentir une différence prononcée entre ces dernières méthodes d'oxygénation, ça nous aura bien fait rire.

À notre retour au village, des tentes sont montées sur l'unique place et il y a visiblement de l'action.
Curieux, nous nous installons et assistons à l'inauguration des nouveaux éclairages publics. Nous avons le droit à un cours sur la pollution lumineuse et découvrons les efforts menés pour rendre les villes proches exemplaires. Nous remarquons l'éclairage blanc intense en haut de l'église, mais nous retenons de le dénoncer.

C'est l'occasion de mentionner que la vallée de l'Elqui est également connue pour son ciel particulièrement propice à l'observation des étoiles. Nous sommes bombardés de pubs pour des astrotours à connotations mystiques.

Oyez Oyez, peuple de l'Elqui et fils du Pisco : on a changé les ampoules !

S'ensuit une chorégraphie énergique du club de danse du lycée qui ne manque pas d'attirer les grâces du carabinero à l'avant du public.

Les festivités se terminent avec des petits fours végans et l'opportunité de jeter un coup d'œil dans les deux télescopes déployés pour l'occasion.

Après un dîner dans un restaurant plus chic que les bouibouis que nous avons fréquentés jusqu'à présent, nous faisons une ascension (peu mystique) d'une vingtaine de minutes pour prendre de la hauteur sur le village et voir les étoiles. Pas de chance pour nous, la lune est de sortie et elle brille de mille feux. Difficile de bien distinguer les subtilités stellaires mais le spectacle reste sympathique.

Oh les belles lumières (qui ne polluent officiellement pas le ciel)


Le lendemain, nous nous organisons pour aller faire un tour à une seconde distillerie. La plus ancienne de la vallée paraît-il. Elle est quand même en activité depuis 1868.

Après avoir mollement glandé à l'arrêt de bus, enfin ce qui nous semblait en être un, nous apprenons que le prochain bus en direction de la distillerie ne passera pas à temps pour que nous fassions la dernière visite avant leur pause déjeuner.
Fiers de nos leçons chilotes, nous levons le pouce et 15 minutes de conversation plus tard avec notre conductrice nous arrivons pile à l'heure pour la dernière visite de la matinée.

Encore ¡Salud!

Nous révisons notre cours de piscologie. Ici, nous avons beau n'être que deux, la compréhension est un peu plus difficile. Ce que nous avons compris et pouvons vous restituer sont les choses suivantes : le nom de la distillerie los Nichos vient d'une salle du domaine où le propriétaire accueillait ses amis (à la condition qu'ils soient francs-maçons et hommes). Chacun y avait une niche (oui, mortuaire) et une épitaphe avec des blagues dont le sens nous échappera à jamais. Dans les niches, des bouteilles sagement rangées prennent désormais la poussière à la place de leurs propriétaires.

Libre à vous de déchiffrer cet humour de niche

Deuxième particularité propice au tourisme : la distillerie est décorée de moultes squelettes et autres figures démoniaques. C'était bien entendu pour éloigner les mal intentionnés, qui auraient en conséquence surnommé la distillerie el castillo del diablo.
Le touriste reçoit alors un verre à shot en forme de crâne, le touriste l'utilise pour la dégustation incontournable, et le touriste est satisfait.

Le touriste peut alors sereinement prendre son collectivo en direction de la Serena. Juste après un coup de pouce motorisé pour repartir vers le centre de Pisco Elqui.

Est-ce moi ou la route qui zigzague ?


Commence ensuite un grand trajet vers le nord, jusqu'à Calama (2h en amont de San Pedro de Atacama). Nous choisissons de pousser à sa conclusion notre étude du bus de nuit en optant pour un fabuleux premium cama aux deux places avant du secundo piso.

Nous sommes déposés en face du terminal à 19:23 … mais le bus de nos rêves est censé partir à la demiee ! Nous nous précipitons au comptoir. Il a fallu tester toutes nos cartes pour le paiement. Petit coup de stress qui monte. Finalement, c’est l’Amex qui nous débloque et nous fonçons vers le quai où le bus nous attend déjà.

Un bus toutes options !

Le jury est unanime : pour certains trajets comme celui-ci, la dépense est largement justifiée. Le confort est maximal. Le John étendu à 180° touche à peine les deux extrémités du cama mis à plat. La Daphné découvre sur le service individuel de in-bus entertainment que Charles Aznavour a chanté une quarantaine de chansons en espagnol. Il ne manque plus qu’un chariot boissons ; mais n'en demandons pas trop. Pour le dîner, nous nous contenterons de deux saladinettes en boîtes réservées pour ce genre d’occasion.

Faut pas être plus grand qu'1m85

Les 13h de bus glissent gracieusement, et on découvre au réveil les véritables paysages désertiques, frais comme des dindons prémiums.